Les Registres du Chapitre de la Cathédrale de Cambrai

Par l’Abbé C. THELLIEZ

(Extrait du Tome LXXI des mémoires de la société d’Emulation de Cambrai)

Cambrai - Imprimerie H. LEFEBVRE - 1923


Ce qu’on lit dans les REGISTRES DU CHAPITRE de la CATHEDRALE DE CAMBRAI...

Les registres capitulaires qui se trouvent à la Bibliothèque Communale sont certainement, pour l’historien soucieux de connaître la vie de Cambrai de la fin du XIVe siècle à la première moitié du XVIIe siècle, une source de documentation à ne pas négliger,

Rédigés, sinon jour par jour (1), mais du moins tous les jours que le Chapitre tenait assemblée, trois ou quatre fois par semaine, ces comptes-rendus pour parler en style actuel, nous donnent toutes sortes de renseignements sur la ville, les environs, le Chapitre lui même, car le secrétaire des séances qui reste fidèle à son poste jusqu’à  la mort, nous signale , dans son style laconique, toutes les questions dont chaque séance du Chapitre à été remplie. La lecture rapide d’un de ces registres, coté 1062 (954) pourra nous permettre de nous en rendre compte.

On sait que le Chapitre de la cathédrale, à cette époque, du moins en 1494, avait qualité pour s’immiscer dans les affaires de la Cité ; c’est ainsi par exemple, qu’il reçoit le serment des échevins nouvellement promus et qu’il intervient dans les approbations des conseils que l’évêque donne au magistrat de la ville.

D’autre part, le Chapitre possède, dans le Cambrésis, de nombreuses terres sinon des villages entiers : Caullery, Doignies, Neuvilly, Fontaine-Notre-Dame, Montigny, Carnières, etc. ; en dehors de la comté, il a encore de nombreux intérêts temporels à Binche, à Haumont, à Hondeghem ; il a même à s’occuper des rives de l’Escaut, à Anvers, en un lieu appelé la Westine, etc., et tout cela sans préjudice des intérêts spirituels qu’il a dans tout le diocèse de Cambrai et que connaissent ses membres les plus en vue : l’archidiacre de Bruxelles, l’archidiacre d’Anvers, le grand ministre, etc.

C’est à propos de tous ces villages ou de ces terres que nous voyons le Chapitre passer des baux avec des fermiers, réparer leurs fermes, les dispenser de leurs fermages en cas de maladie ou de ruine ; nous le voyons faire des aumônes discrètes, régler beaucoup de différends.

Malheureusement, le chamoine notaire du Chapitre, dans la rédaction de ses cahiers, a un défaut très grave pour nous : c’est qu’il oublie très souvent de nous donner les noms de toutes ces personnes qui ont affaire au Chapitre ; mais, vraiment,  il ne pouvait concevoir l’importance de tous ces détails pour les chercheurs du XXe siècle.

A la vérité, nous saurons que le Chapitre a remis tous ses fermages à la veuve Philippe Millot, de Caullery, dont la ferme a brûlée ; à des fermiers de Carnières, Deleucourt et Ledieu ; qu’un certain Philippe de Neuvilly a été tué par un autre habitant du lieu, Charles le Chevalier, dit Jean Leleu, aidé de son domestique, Antoine May ; comme la famille de la victime, qui s’est portée partie civile, s’est réconciliée avec le meurtrier, le Chapitre sera aussi clément, mais l’enverra faire un pèlerinage d’expiation à Notre-Dame de Liesse.

Mais nous ignorons quel est cet habitant de Fontaine-Notre-Dame, que le Chapitre autorise à installer une forge de maréchal-ferrant sur un wareschaix de la paroisse ; comment s’appelle la servante de Jean de Wingles (Un ancêtre de la famille de Vendegies) à qui il fait un cadeau à l’occasion de son mariage, ou les paroissiens de Sainte-Croix et de Saint-Martin à qui il accorde la même faveur.

Nous ignorerons toujours le nom du médecin Italien et du Portugais naufragé venus s’échouer à Cambrai, à qui il fait remettre des secours, et les religieuses, chapelains ou petit vicaires à qui des secours en nature sont remis. La femme de Cambrai que le Chapitre a exilée à Caullery et que fatiguée d’un long séjour, il exhorte à la patience, sera toujours aussi inconnue.

Cependant, nous apprenons qu’un certains Nicaise, de Caullery, a des démêlés avec les Guillemins, de Walincourt, au sujet de redevances en blé qu’ils prétendent leur être dues par le Chapitre, sur sa ferme de Caullery. Nous apprenons aussi que maître François Legier, marchand, pour obéir aux instructions que lui ont données les exécuteurs testamentaire de Henri de Berghes, ancien évêque de Cambrai, a livré au Chapitre une belle image de la Sainte Vierge, ornée de pierre précieuses et qu’ayant refusé de recevoir l’argent que le Chapitre voulait lui donner pour sa commission, il en a cependant été gratifié de trois « lods de vin ».

Mais le notaire a oublié de nous dire le nom de ce « Frère Cordelier » au sujet de qui le Chapitre a envoyé une délégation auprès de l’évêque, pour le prier d’interdire désormais à ce Frère de prêcher à Cambrai, parce qu’il s’est permis de mal parler en chaire de feu le trésorier de Messieurs du Chapitre.

Mais nous connaissons presque tous les échevins de la Cité qui, avant d’entrer en charge, viennent prêter serment devant ces Messieurs. Nous connaissons également tous les chamoines, archidiacres ou grands officiers qui entre en fonctions ou qui font partie du Chapitre.

Mais ce qu’il y a de plus intéressant dans tous ces recueils, c’est, sans conteste, les petits détails qui nous sont donnés sur la vie intérieure, si l’on peut dire, de l’assemblée capitulaire.

Le Chapitre a , dans ses attributions, tout ce qui regarde l’église cathédrale elle même ; il doit veiller à son bon entretien, au bon ordre dans l’église, à la bonne tenue des serviteur de l’église, des enfants de chœur, à la parfaite célébration de toutes les cérémonies.

(1) Aussi, nous le voyons gourmander les vicaires et les laïcs qui, au moment des grands froids, vont trop souvent derrière le grand autel pour se chauffer et qui, par leur bavardage, scandalisent les fidèles et gênent les enfants de chœur dans leurs fonctions. Par la même occasion, il recommandera à ces derniers d’avoir plus de gravité dans les cérémonies.

Il sera aussi recommandé aux vicaires perpétuels d’aider les petits vicaires à psalmodier l’office, de ne pas s’asseoir dans les stalles lorsqu’ils font assistance, d’être fidèles à venir régulièrement aux heures de l’office (2).

Les serviteurs de l’église sont invités également à porter décemment les bâtons avec lesquels ils précèdent ces Messieurs dans les processions ; on recommandera au « clocqueman » ou sonneur de mieux s’acquitter de ses fonctions. Parfois, le Chapitre apaisera les querelles d’amour-propre qui s’élèvent parmi tout ce monde qui gravite autour de la cathédrale.

Les membres du Chapitre ont parfois besoin d’être rappelés à l’ordre. On leur recommande de faire toutes les cérémonies dans l’église, avec la gravité qui convient à leur état et dont pourraient se départir ces jeunes chamoines diacres ou sous-diacres encore et qui ont aussi besoin de s’instruire dans la science universelle qui convient à leur état. Il faut fixer à chacun une place dans les stalles et son rang dans les processions, pour éviter tout désordre.

Il arrive parfois que le Chapitre doit régler d’aussi graves questions que celle de la tonsure et de la barbe. Ainsi cette année 1494 la fête de l’Immaculée-Conception, jour férié, tombe un lundi, mais voilà que la Saint-Nicolas (jour chômé également), arrive le samedi ; aussi, afin de permettre aux fidèles de Saint-Nicolas de bien fêter leur patron et de ne pas travailler le jour de l’Immaculée, ces Messieurs permettent à tous les vicaires, petits et grands et aux serviteurs de l’église de se faire « opérer » le vendredi pour cette fois seulement.

Il est aussi recommandé à certains vicaires de porter une chevelure moins laïque. Mais les évennements forcent le Chapitre à s’occuper parfois des choses extérieures : il permettra, par exemple, à ces membres de prendre des vacances prématurées, pour fuir la peste qui règne à Cambrai ; d’accord avec les échevins il règlera la quote-part des impôts qui lui incombent du fait de la restauration des murs de la ville ; il poursuivra jusqu’au Parlement de Paris, les chefs de bandes français, comme de Varennes, qui sont venus faire des incursions de brigandage, chez lui, dans ses possessions à Viesly et Neuvilly, malgré la foi des traités.

Bref, pour résumer, ce rapide aperçu de l’un des 48 registres contenant les délibérations du Chapitre cathédral de l’année 1364 à 1745, nous fait voir que, tout historien s’occupant de la Ville de Cambrai de la fin du XIVe jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, doit, de toute nécessité, consulter une source de documentation si précieuse par ses détails et si utile par le nombre et l’exactitude des renseignement qu’on y trouve.

Abbé C. THELLIEZ - Le 26 novembre 1923.

 

1  Il est possible, qu’à l’occasion, le secrétaire ait négligé de transcrire le procès-verbal de chaque séance ; les annotations ou les renvois à des dates postérieures sembleraient l’indiquer.

1 Ms 1062 (954) f°127 v° 7 janvier 1493.

2 1062 (954) f° 226, 3 novembre 1494.

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