La Paroisse. – L’Eglise

En l’an 1164, l’évêque de Cambrai, Nicolas de Chièvres, confirmait à l’abbaye Saint-Paul d’Honnecourt la possession de l’autel de Clary avec Caullery et ses dépendances. L’abbaye bénédictine d’Honnecourt, fondée en 660 par Amalfride, un pieux seigneur du consentement de l’évêque, vers les sources de l’Escaut, sur une hauteur qui en surveillait le cours, avait le privilège de faire partie du Diocèse de Cambrai, tout en relevant plus tard, au point de vue féodale, du Vermandois, comme on le sait aussi. C’est ce qui explique la rareté des documents qui la concernent, car la majeure partie en fut détruite en 1599, lors de la dévastation de la ville de Saint-Quentin, où ils se trouvaient. Il est remarquable toutefois que cette abbaye fut l’Eglise-mère, c’est-à-dire la fondatrice de lieux de culte tant en Haut-Cambrésis que la dans la Somme ou le Pas-de-Calais voisins, soit à Walincourt, Serain, Elincourt, Clary, Caullery, Montigny, Fresmy, Gouzeaucourt, Banteux, Honnecourt, Gonnelieu, comme Bertincourt, Frémincourt, Villiers-Guislain, Villiers-Plouich et Ytres dans le prolongement. Le Carpentier dit que, vers l’an 900, cette abbaye fut restaurée par les châtelains de Cambrai ; c’est ce qui peut expliquer que l’action religieuse de ses moines fut consacrée aux villages dépendant de la châtellenie, comme Walincourt, Clary, Caullery.

Uni au point vue féodale avec la seigneurie de Wallincourt, Clary ne faisait, à l’origine, qu’une seule paroisse avec Caullery. On ne peut savoir, d’une façon précise, à quelle date Caullery fut détachée de Clary et érigée en paroisse.

On ne connaît pas d’avantage l’endroit où se trouvait sa première église. Peut-être son emplacement était-il le même que celui occupé par l’église démolie en 1894-1896, vers le bout de la ville où fut trouvée par hasard, en 1904, une tombe d’un sire de Caullery, ce qui prouve sans aucun doute qu’à cet endroit existait un édifice religieux.

Quoi qu’il en soit, il semble que, plus tard, l’église fut bâtie plus au centre du village, non loin de l’édifice actuel, auprès du presbytère dont l’emplacement est resté inchangé.

L’église devait être, sinon entourée, comme c’était la coutume, par le cimetière, du moins elle était à proximité de ce "  champs de repos " qui fut utilisé jusqu’en 1890 et dont l’emplacement, en partie du moins, a servi à installer en 1952 par la municipalité la salle des fêtes communales, dont tout le mobilier, valant 16.200 NF, a été fourni aux frais de la coopérative scolaire laïque. Ainsi va la vie.

 

L’église – on en fait mention dès le 18 mars 1500 (Ms 1064, f° 240 v°)- possédait plusieurs cloches. Le chapitre accorde à cette date deux écus communs pour la fonte des cloches de Caullery. En 1566, le 28 novembre (Ms 1074, f° 61 v°), il envoie son bailli faire une enquête sur les grandes infractions, particulièrement de verrières, et les autres insolences apportées à l’église de Caullery, quelques jours auparavant, par les Huguenots.

Après la reprise de Cambrai par Louis XIV, l’armée victorieuse, comme c’était la coutume et le droit militaire, avait exigé que lui fussent livrées les cloches des pays conquis. Si cambrai, grâce au Chapitre de la Cathédrale, put éviter de livrer ses cloches, il semble bien que Caullery, paroisse sans grandes ressources, dut cependant les fournir à l’armée royale. Le registre capitulaire (Ms 1091, f° 352) note, au 25 juin 1682, que 259 florins ont été payés à Jacques Perdry, fondeur de cloches (à Valenciennes), pour la confection de deux cloches à Caullery, déduction faite des métaux qui lui avaient été fournis. C’était sans doute pour remplacer celles qui avaient été livrées. D’autre part, le 22 décembre 1727 (Ms 1098, f° 83), le chapitre dépensait 37 florins pour la bénédiction des cloches de Montigny et de Caullery, faite encore par Perdry. 32 florins 16 patars seraient pour le récréation des habitants, " ex dono charitatis " (en don de charité), plus de 43 florins, dont 28 étaient destinés à Caullery et 15 à Montigny.

C’est cette cloche, fondue en 1727, qui fut jetée bas du clocher de l’église, en mai 1918, par les Allemands, usant eux aussi du droit de guerre pour l’envoyer à la fonderie.

Son inscription, pourtant, en faisait un objet vénérable de grande valeur historique, qui aurait pu la faire échapper à la destruction, comme le disait lui-même au curé du temps un aumônier allemand, le Jésuite baron Von Darwiz. Des ses collègues, il parlait en termes durs et méprisants : " ce sont des voleurs, ces officiers, tous des brigands ! "Quant à lui, il était allé spontanément téléphoner au Quartier Général pour protester contre l’enlèvement de la cloche et réclamer, mais en vain son retour immédiat.

" Je pèse 682 livres ", disait cette inscription ; " Marie Glorieuse je suis nommée par Messeigneurs du Chapitre de la Métropole Notre-Dame à Cambray, seigneur de Caullery en Cambrésis, parain Me Mathias Prouveur curée dudit lieu, et le sieur Jean-Baptiste Mairesse, mayeur. Claude Perdry m’a fait à Valenciennes 1727. J’ay pour mareine Melle Marie-Françoise-Robertine Lievou, femme à honorable homme Pierre-François Fiefvé, Bailly général desdits seigneurs. "

La cloche portait d’un côté l’écusson du Chapitre : " D’or à trois lions avec couronne comtale " ; en exergue : S. Capituli Cameracensis, sceau du Chapitre de Cambrai, et, de l’autre côté, une feuille de trèfle qui était peut-être la marque du fondeur.

Cette église fut vendue comme bien national la 26 Fructidor an VI, ou 23 septembre 1798, à la fin de la Révolution. " Bâtie en pierres, couverte en ardoises, elle avait 60 pieds de long sur 30 de large. Le clocher mesurait 60 pieds de hauteur, soit 20 mètres. Estimée 1.200 livres, elle fut adjugée 11.000 livres en assignats au citoyen Durot, de Wazemmes, qui acquit de par ailleurs d’autres églises en Cambraisis, dont celle d’Eswars, pour les démolir. " (A.D.N. L.163 c 2451.)

Le citoyen commissaire du Directoire exécutif de Cambrai avait donné son accord en faisant " observer que la commune de Caullery n’était pas une de celles où se tiennent les assemblées primaires du Canton, l’église pouvant être aliénée comme les autres domaines ".

L’église fut démolie par la suite. La tradition rapporte que ses pierres servirent à édifier un moulin à Montigny, presque à l’intersection des routes de Clary et de Caudry.

Le clocher dut rester debout. On le voit, en effet, figurer encore au plan du cadastre de 1811 sous le nom de Beffroi. C’est ce clocher ou " campanile de Caulery " que le Chapitre avait fait réparer en mai 1741 (Ms 1099, f° 212). Mais il n’y a pas d’église mentionnée au cadastre de 1811.

C’était par ordre supérieur, après le coup d’Etat du 4 septembre 1797 (18 Fructidor an V), qu’on avait en haut lieu pris ce moyen radical de déchristianiser les populations en faisant vendre les églises pour les démolir ; c’est ainsi que l’église de Caullery, comme tant d’autres du département, avait été vendue à cet effet. Il semble bien que ni la Municipalité, ni la population de Caullery aient jamais eu l’intention de se débarrasser de leur église. On pourrait en donner la preuve par la requête qur fit au Directoire du district de Cambray, en août 1792, la Municipalité de Caullery pour faire réparer le chœur de l’église. Si les réparations ou l’entretien de la nef incombaient en général aux paroissiens, c’était le décimateur, celui qui percevait la dîme, à savoir le patron de l’église, l’abbaye d’Honnecourt représentée par le curé, nommé par elle, qui devait assurer l’entretien et les réparations à faire au chœur de l’église.

En août 1792 (A.D.N. L. 1637), le maire et les officiers municipaux de Caullery demandent au Directoire du District de Cambray de pouvoir faire au chœur de l’église qui tombe en ruines les réparations nécessaires, que l’ancien curé, le gros décimateur, Jacques Dehollain, qui avait refusé de prêter le serment à la Constitution civile du clergé, a négligé de faire exécuter.

Jacques Dehollain avait été remplacé depuis le 10 juillet 1791 par " M.-F. Desjardin ". La Municipalité sollicitait du Directoire de pouvoir employer à ces réparations la somme de 450 livres provenant de la dîme de 1790 dont elle était redevable envers l’ancien curé. Le 9 août 1792 le Directoire du District, parmi lequel se trouvait Michel, maire de Clary, désignait Séraphin Podevin comme expert pour se transporter audit Caullery le plus tôt possible à effet de constater les réparations à faire à l’église presbytérale dudit lieu, et son rapport devait servir pour la décision à prendre. Mais l’expert n’avait pas obéi ; néanmoins, le District de Cambray, tout en se référant à l’Administration départementale, " estimait d’autoriser la Municipalité à faire ces réparations au chœur de l’église le plus économiquement possible, en y employant les 450 livres dont s’agit, sauf à prendre le surplus sur les deniers de la Fabrique ou ceux de la Commune ".

Mais le 7e Bureau du Département jugea qu’il fallait, avant d’entreprendre ces réparations, faire une estimation contradictoire de ces réparations, qui pourraient être à la charge de l’ancien curé comme décimateur, et que, pour les faire le plus économiquement possible, il fallait procéder à une adjudication publique de ces travaux.

En conséquence, le 27 septembre 1792, il faisait parvenir au District de Cambray un projet d’arrêté sur la requête de la Municipalité. " Avant tout par experts à nommer contradictoirement tant par le ci-devant curé de Caulery et la Municipalité dudit lieu il sera fait un état estimatif des réparations à faire au choeur de l’Eglise paroissiale dudit Caulery auxquelles pouvoit être tenu le ci-devant curé comme décimateur. Sur ledit état, le Directoire du District de Cambray donnera son avis, après quoi il sera par nous statué ce qu’il appartiendra. "

Quoi qu’il en soit résulté, la destruction de l’église après 1798 anéantit les efforts de la Municipalité de Caullery pour entretenir son église, dont elle sauva cependant une cloche, celle qui fut détruite par les Allemands en 1918.

Il faut rappeler aussi qu’en novembre 1739 (Ms 1098, f° 362), un cultivateur avait mis à jour, en labourant, une cloche dont la trouvaille fit l’objet d’un rapport du Bailly au Chapitre de Cambrai. Celui-ci, le 23 novembre, faisait donner cette cloche, pesant 20 livres, à l’église paroissiale et accordait 48 patars ou 2 florins à celui qui l’avait trouvée. La tradition rapporte que ce fut un Mairesse qui fit cette trouvaille dans son champ quelque part auprès de la rue Ladrière, ce qui a pu faire donner à ce bout de chemin le nom de rue du Couvent pour rappeler l’existence, peut-être imaginaire, d’un édifice ou établissement auquel cette cloche aurait été destinée. Mais n’aurait-ce pas été la cloche qui avait pu servir à la Maladrerie, dont on ne se rappelait plus l’existence à cette époque ?

En 1824, Jacques Laruelle est déclaré mourir à l’âge de 70 ans " rue de l’Eglise ", mais si l’on s’en tient aux délibérations du Conseil Municipal, il fallut à la population de Caullery attendre au moins jusqu’en 1837 pour posséder de nouveau une église bâtie en grande partie par les souscriptions des paroissiens. C’est ce qui ressort de la délibération du Conseil Municipal, faite le 6 juillet 1844 " en séance extraordinaire, où étaient convoqués les plus imposés pour voter les fonds nécessaires pour l’achèvement de l’église que les habitants ont fait construire par souscription volontaire ". En fait, grâce aux peines, aux fatigues de voyages de l’abbé Chrétien, une nouvelle église avait été construite. Elle avait été bénite en 1837 par le vicaire général Leleu dans l’état où elle se trouvait.

Car, dit le Conseil Municipal, " il manquait à l’église un autel, des stalles et sièges, une table de communion, une chaise à prêcher, un confessionnal. De plus, le choeur ni l’église ne sont linotés (sic) - ravalés, les égouts des toits ne sont pas pourvus de nochères. Les murs ne sont pas enduits, les plafonds restent à faire. " " Toutes ces ouvrages " sont " évalués dans le devis général de la construction de l’église rédigé par M. de Baralle, architecte du département, à plus de 4.000 francs ". Le Conseil est d’avis d’exécuter une partie de ces ouvrages comme il l’a fait pour l’église au moyen d’une souscription volontaire, la commune n’a pas de ressources suffisantes. En conséquence, le Conseil Municipal et les plus imposés s’engagent personnellement et solidairement à faire à leurs frais particuliers les enduits, la table de communion ou le maître autel et le confessionnal afin de satisfaire aux besoins les plus pressants et les plus nécessaires au service du culte. Ce qui resterait à faire ne concerne plus que le carrelage, les nochères, les stalles et la chaire à prêcher, dont la dépense est évaluée à plus de 2.000 francs. " M. le Maire (Ch. Dolez) est prié d’insister auprès du Conseil d’Arrondissement, qui doit se réunir à effet de considérer les sacrifices que la commune a fait, car le Sous-Préfet sait que, depuis dix ans, la commune a acheté un presbytère, a fait des travaux d’appropriation assez considérables, vient de construire une église et que sa maison d’école est en cours d’exécution pour laquelle la commune s’est imposée extraordinairement pendant dix ans, et qu’elle ne néglige pas ses chemins puisqu’elle a commencé à les paver. "

Beaucoup se souviennent encore de cette petite église, au fronton tout simple surmonté d’un petit clocher dont l’intérieur, éclairé par trois grandes baies de chaque côté, offrait un choeur assez bas, orienté vers le bout de la ville. Les murs étaient enduits de plâtre ou mortier à bourre, ainsi que le plafond, constitué en forme de voûte par des lattes de bois. L’intérieur offrait aux yeux des visiteurs des traces manifestes de salpêtre malgré les enduits en couleurs qui dénotaient que le bâtiment avait souffert d’avoir été laissé longtemps sans gouttières pour le protéger des égouts. On se souvient aussi du puits qui se trouvait presque à l’entrée de l’église et dont les enfants s’amusaient à dérouler la margelle en fer. L’auteur de ces lignes porte toujours sur la tête la marque indélébile de cette margelle, due à la malice d’un de ses camarades, alors qu’il n’avait que 9 ans.

Quoi qu’il en soit, dès son arrivée à Caullery, en 1888, l’abbé Auguste Dupas, nouveau curé, s’émut de la détresse de son église et résolut d’en bâtir une autre. Il le fit avec une persévérance inlassable dans les quêtes qu’il entreprit dans tout le département et même jusqu’en Belgique. C’est grâce à ses efforts indomptables que l’architecte Rousselle, avec l’entreprise Abel Dché, de Busigny, réussirent à bâtir sur une partie du terrain du presbytère l’église de style roman fleuri, à trois nefs, qui faisait l’admiration de tout le pays, mais qui ne devait pas durer beaucoup plus de vingt ans, puisque les Allemands la firent sauter à leur départ forcé dans la nuit du 8 au 9 octobre 1918.

Sa construction avait demandé deux années de travail ininterrompu. L’emplacement qui avait été choisi comprenait une partie du jardin du presbytère et quelque peu de la place verte, ce qui faisait revenir l’église presque à son lieu primitif. Le sous-sol dévoila un banc de sable très épais qui nécessita l’établissement de pilotis enfoncés à bras d’homme pour en assurer la solidité des fondations. Certains peuvent encore se souvenir du chant qui réglait en mesure le travail, " un qui s’en va, ça ira, un qui revient, ça va bien ", et cela jusqu’à trente et quarante fois pour lever et laisser aller le marteau-pilon, à la grande joie des enfants et des badauds qui, parfois, prêtaient main-forte. Le terrain lui-même, par sa dénivellation, avait imposé de placer l’entrée de l’église vers l’Est et non le choeur, à cause de nombreux escaliers qui auraient dû être faits pour l’accès de l’église par l’Ouest. C’était une bâtisse faite pour subsister des siècles. Les murs, en grande partie, les colonnes et les fondations résistèrent à cette fameuse explosion d’octobre 1918, tandis que le clocher, plus particulièrement visé par les destructeurs, gisait lamentablement vers l’Est, encombrant la rue de tous ses débris. On dut se servir pour l’exercice du culte d’une tente prêtée par l’Armée et, ensuite, d’une baraque Adrian, installées sur la place du vieux cimetière. Reconstruite aussitôt que possible, d’après les mêmes plans retrouvés par miracle, on peut regretter cependant que cette restauration n’ait pas été accomplie par la même entreprise et dirigée par le même architecte. Bien des erreurs, malfaçons ou défaillances, que le temps ne fait qu’accentuer, auraient pu être ainsi évitées pour le bien de l’édifice et les finances de la commune.

De l’église construite par l’abbé Dupas, il reste à l’intérieur la plaque qui rappelle son dévouement inlassable et les bases des colonnes en pierre de Soignies. A l’extérieur, gravée en lettres latines onciales, une inscription rappelle aux passants que cette église, dédiée à la Vierge Marie dans sa Nativité, après avoir été érigée en 1896, fut détruite en 1918 par les Allemands en guerre et rebâtie en 1925.

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