LA COMMUNAUTÉ DE CAULLERY

Sa formation. - Son peuplement. - Le groupement des habitations, les points d’eau ou puits jusqu’aux temps actuels.

Des premiers habitants qui formèrent la communauté de Caullery, dont le nom fut adopté par les membres de la famille seigneuriale qui vinrent s’y installer comme héritiers sans doute des biens des comtes de Cambrai, on ne connaît qu’un certain Trébiga et un Wernerfridus, qui y vivaient au commencement du Xie siècle, et dont la mention est faite par l’Evêque Liebert.

Colons, ou hommes libres, c’étaient des laboureurs isolés au milieu des bois et des flaques d’eau qui devaient occuper alors la grande partie du village actuel entouré de haies vives à l’Ouest et Sud-Ouest, et limité au Nord et à l’Est par la route gauloise de Cambrai à Guise, encore dénommées chemin de Bohain.

Communiquant entre eux par des wareschaix, ou chemins de terre, boueux en hiver, poudreux l’été comme le sont encore en grande partie le chemin de Sorval et celui de Bohain, ils étaient cependant déjà assez nombreux, au commencement du XIIe siècle, pour que l’Eglise de Caullery, placée sous le patronat de l’abbaye de Saint-Pierre d’Honnecourt, fut détachée de celle de Clary? avec qui elle faisait paroisse jusque-là. Le défaut d’archives concernant cette abbaye d’Honnecourt, fondée en 660 et qui relevait au point de vue féodal de Vermandois, rend difficile la précision de la date de cet évènement.

Il faut attendre 1356, après la prise de possession de l’administration de la communauté de Caullery par le chapitre de Cambrai, pour apprendre qu’un Colin Canonne en était mayeur, que les exchevins s’appelaient Willèmes Tafin, Josse Michaut, Mahieu Canchon, Piérart Prouvost, Jehenet Catoire; les noms Canonne et Pruvost se perpétueront dans la communauté jusqu’au milieu du XVIe siècle tout au moins, et cette énumération de cinq échevins peut faire considérer qu’il y avait déjà un nombre important de chefs de famille.

En 1398, par les démêlés suscités par les réclamations ou brimades de Jean dit Lidon de CAULLERY et de ses fils, on connaît Willame Quentin et Jehan Laubrit comme censiers du Chapitre. En 1407, c’est pour avoir coupé du bois sans permission dans les possessions du Chapitre que Jean de la Fontaine est connu. De même, en 1447, c’est pour avoir été arrêté à Cambrai dans l’âtre du Chapitre que Jean Joliet de CAULLERY est connu. Une autre famille qui y est actuellement inconnue, les Buridan, est nommée le 23 juin 1445 lorsque le Chapitre remet partie des rendages dus par Jacques, son père, à Enguerrand, son fils et héritier (Ms 1058, f°9).

En 1451, on apprent qu’un Robert de Rond se plaint au Chapitre des agissements de la Loy et de son sergent contre lui et certains de ses amis. C’est le 10 novembre 1455 qu’il est fait mention de la famille la plus ancienne existante encore à Caullery et qui a projeté de nombreuses branches à Ligny, Haucourt, Selvigny, Villers-enCauchie, Abscon, Escaudoeuvres, Cambrai, Basuel, etc...; il s’agit de la famille Ramette. Un Gilles Ramette, en effet, est poursuivi pour avoir coupé du bois, lui aussi, dans le bois du Chapitre sans sa permission. En 1456, un certain Quentin Lobert est cité devant le Chapitre pour avoir provoqué en duel un " quidam de Caullery ". Gérard Le Cocq, en 1457, est censier du Chapitre; son rendage est de 6 muids par an, soit 96 mencaudées, qui représentent le fermage de presque cent hectares, ce qui pourrait montrer que le terroir est déjà cultivé en grande partie.

En 1486, un censier, Sandrard Martin, est autorité à bâtir une maison dans les limites du village. L’année suivante, Jehenne Moncelle, veuve de Philippe Millot, fermier du Chapitre, voit s’apitoyer sur elle le Chapitre qui lui remet la moitié de sa redevance à cause de l’incendie qui a détruit toute sa demeure.

Nicolas Pennier, dont le nom n’a guère subsité à Caullery après le XVIe siècle, est connu parce qu’il doit les redevances de l’héritage qu’il occupe et qui fut à Lambin Joly. Ce dernier, est peut-être le même qui a repris à Cambrai, en 1458, la brasserie de l’Olifant, devant l’âtre de la Madeleine.

Il faut croire que la place ne manque pas encore pour de nouveaux habitants; le Chapitre permet en effet, en 1485, à un étranger, Français d’origine, de venir s’installer à Caullery, mais en dehors du village, dans une maison où il pourra habiter avec sa femme, qui souffre de la lèpre malheureusement. C’est l’origine de la maladrerie qui sera officiellement constituée en 1492. Le Chapitre y place aussi des bannis de la cité de Cambray, telle cette femme qu’il y a envoyée, à cause de cette peine d’exil, ses voisins l’accusent d’adultère parce qu’elle reçoit chez elle un jeune homme, ce qui s’avère inexact après l’enquête que fait son bailli. Ce pendant, après avoir exhorté cette femme à la patience, le Chapitre accepte de la faire revenir à Cambrai à condition qu’elle ait accompli au moins six semaines d’exil (septembre-octobre 1494 - Ms 1062).

En 1494, apparaît le nom de Sohier ou Soyez, qui subsistera jusqu’au milieu du XVI e siècle. André Sohier, dîmeur, c’est-à-dire percepteur de la dîme, ne peut en acquitter la redevance entière qu’il a promise; le Chapitre accepte qu’il n’en acquitte que la moitié (Ms. 1062, f° 225).

Avec le coffre ou ferme dont le Chapitre a ordonné en janvier 1494 la création pour y placer les documents qui intéressent la communauté en général ou les particuliers, ventes, partages, donations, successions, dont 427 actes existent encore, et dont le premier remonte à 1515, il est possible de connaître les noms de toutes les familles qui habitèrent Caullery depuis lors jusqu’en 1789 tout au moins. Les registres de l’état civil, dont le premier remonte à 1687, permettent de compléter cette nomenclature et de la continuer jusqu’à nos jours. A la vérité, les registres capitulaires mentionnent, en l’an 1509, la famille de la Sottière, originaire de Caudry, alliée avec la famille seigneuriale de Caullery, qui sollicite une réduction des droits seigneuriaux qu’elle doit acquitter pour l’héritage d’un fief (Ms 1066, F) 65 à f° 67).

En 1512, le bailli du Chapitre va chez un tavernier, Jaspard Lamouret, pour briser les mesures de boissons qui n’ont pas été reconnues par lui, et le condamne à une amende de 40 sols cambrésiens. Dans le premier document, conservé au ferme de Caullery, de 1515, la donation faite par Jehan de la Sottière et Marie Béghinnes, sa femme, d’une demi-mencaudée de terre jardinage à leur fille Catherine, on mentionne que cette propriété, achetée à Colette Penniez, partie habiter à Selvigny, se trouve dans le courtil Sandrin et voisine de l’héritage d’un Enguerrand Lamouret et à la rue. Un autre Enguerrand Lamouret est mayeur en 1588, et Jehan Lamouret, son fils, est mayeur de 1598 à 1624.

Les Lamouret, qui exploitent des terres du Chapitre et celles de l’abbaye de Cantimpré, subsistent au moins jusqu’à la Révolution à Caullery; il y a à cette époque un Célestin Lamouret qui est mulquinier ou fabriquant de toilettes, mais ils essaiment à Ligny, Elincourt, Walincourt, Serain, Clary.

Les Sartier ou Chartier, connus aussi dès le XVIe siècle, disparaîtront vers le milieu du XVIIIe. Un Payen, échevin, est carlier, c’est-à-dire charpentier, le nom est disparu lui aussi; les de Proy ou Proye, dont l’un d’eux est fuzelier, c’est-à-dire fabriquznt de fuzeaux destinés à recevoir la trame qui sera lancée par le tisseur à travers la chaîne de son métier, s’en va s’installer à Malincourt. Il est peut-être l’ancêtre de ceux qui sont revenus exercer leur métier de charron, il n’y a pas si longtemps. Sont aussi disparus les Pruvost, dont l’un, Melchior, est tisseur, vendeur de toiles en 1596, et habite un courtil près de la Tofette.

Nicaise Millot est greffier notaire en 1618, ses descendants deviennent bourgeois à Cambrai; de meême les Lecouffe, dont un descendant, Jean, est curé de Bouchain en 1671. Les Pennier vont à Selvigny; les Le Febvre, dont l’un deux, Jean, est mayeur en 1546, un autre meunier de Caullery, car il y a un moulin à Caullery qui appartiend au Chapitre, qui l’afferme à ses censiers; un Aubert Le Febvre, en 1678, traitera devant le notaire Cocqueau, à Cambrai, " du transport de chesnes du bois de Berlaimont ou de Flandre " pour le compte de David Le Saige; Le Febvre s’engage à ne pas voiturer pour un autre, " mais s’il advenait que par force majeure du temps ou pour le service du Roy, il ne pourroit voicturer ", en ce cas, David Le Sage devra payer à proportion de ce qu’il aura transporté (Arch. not. J. Pagniez, Cambrai).

Aubert Le Febvre fera l’objet, en 1687, de poursuites judiciaires par le bailli du Chapitre pour vol et autres excès, et les frais de son procès fini seulement en 1689, monteront à 106 florins 6 patars 12 deniers (Ms 1092, f° 155, 162, 231); les Bricout, dont certains membres iront se réfugier à Cambrai en 1639 à cause de la guerre et vendront leurs biens à Caullery; les Taisne, dont l’un, Jean, est tavernier brasseur en 1632; un autre, Jean, plus tard, est berger et s’en va habiter Valenciennes, où il va se fixer, ayant lui aussi vendu ses biens de Caullery. Les Witasse, dont l’un, en 1678, habite Saint-Amand, alors qu’il est receveur et prévost de l’abbaye d’Hasnon; les Crépin, qui deviennent aussi bourgeois de Cambrai; les de la Barre, dont le nom s’est écrit plus tard Delbart; Nicaise, le premier de la Barre, en se mariant avec Mary Lamouret, est venu exploiter les terres de l’abbaye de Cantimpré, en la maison d’en bas, des Estevez plus tard, puis d’Edmond Laude, ensuite des Drecq, qui ont repris le marché de terres, ainsi que celui exploité autrefois par les Leducq, baillis du Sartel, dont le nom aussi n’existe plus à Caullery, sinon par le rappel " des sept Jean Leducq ", lieudit sur le terroir.

Les Mairesse, dont Nicolas, en épousant Antoinette Sohier vers 1645, vient reprendre la ferme du Chapitre (Ms 1088, f° 42). Mais, à la vérité, dès 1603, un Martin Mairesse est mentionné comme fermier (Ms 1080, f° 119). De Nicolas Mairesse, époux de Mary Leducq, fille du bailli du Sartel, l’un des fils, Blaise, fera contrat de mariage, le 7 novembre 1691, avec Jeanne Dubois, de Clary. Il apporte en dot un fief de 5 mencaudées au terroir de Clary, dépendant de la seigneurie du Sartel, plus 3 mencaudées de terre et jardinage à Caullery " avec un estille à usage de mulquinier et du fillé suffisant pour faire une toille " et 15 florins en argent pour faire une grange. Jeanne Dubois, en plus d’une maison bâtie sur 9 boistellée près de la rue Fouwez, à Clary, apporte 1 mencaudées de terre séans vers le mollin de Clary, sur le terroir de Montigny, et 10 patacons en argent, plus aussi 15 florins pour faire la grange. Blaise, en 1697, vent une mencaudée de terre à Caullery, à Jacques Lor, berger, qui la paiera " par l’octroi de trente bestes blanches ".

Un autre fils de Nicolas, Urbain Mairesse, se marie à Haussy avec Elisabeth Gambier. Il deviendra prévost ou mayeur d’Haussy; il y fondera postérité. Il attirera à Haussy son filleul, Urbain Leducq, qui en sera aussi mayeur ou prévost et y laissera aussi postérité (Etat civil d’Haussy et Arch. not. Merlin, Le Quesnoy).

Urbain Mairesse, lui aussi, comme Blaise, vendra ses biens de Caullery à ses trois autres frères, qui sont les tiges des Mairesse encore existants. Jean-Baptiste, marié à M.-A. Le Febvre, qui restera, lui et ses descendants, jusqu’à la Révolution dans la ferme du Chapitre; Pierre-François, qui épousera Marie-Barbe Lenglet, de la ferme d’Hurtevent, et sera la tige des Mairesse de la rue du Sac; de ceux partis à Cambrai au milieu du siècle dernier comme orfèvres et marchands d’ornements d’Eglise, comme de ceux de la famille de Joseph Mairesse Mailly. André Mairesse, le dernier fils de Nicolas et Mary Leducq, est qualifié d’honorable homme dans un procès qu’il soutiendra en 1709 contre la dame de Sorval pour obtenir paiement d’une rente hypothécaire sur une pièce de 4 mencaudées. Marié d’abord avec Marie-Claire Bataille, de Clary, puis avec Marie-Barbe Lestoquoy, la fille du mayeur de Selvigny, il est la tige des autres Mairesse encore à Caullery.

A toutes les générations, les Mairesse s ’allieront avec les Lestoquoy, les Leducq, les Bourlet venus de Clary ou les Quennesson venus de Ligny. Antoine Quennesson, fils de Jean et de Catherine Le Prestre, vient se marier avec Anne Pruvost; il est échevin de Caullery dès 1677. Une de ses filles, Marie Quennesson, en 1692, épousera Pierre Lenglet, qui demeure en la cense de Hurtevent-lez-Clary, et qui apporte en dot avec le marché de l’abbaye de Cantimpré, qu’il occupe, " soit 4 muids de terres labourables en 3 royes, 4 chevaux, 2 vaches, 1 omaille ". Marie Quennesson reçoit de ses parents 240 florins en argent, ainsi qu’une part de leur maison et jardin à Caullery, " jusqu ’à des cheriziers qui sont des sauvagiers ", que les parents se réservent, touchant au jardin Paul Leducq. Sur ce jardin, " les futurs pourront bâtir, pour y résider, s’il arrivoit que par furye des guerres ou autre nécessité, ils ne puissent résider à leur maison de cense de Hurtevent ". C’est avec la soeur de Pierre Lenglet que Pierre-François Mairesse se maria en 1700.

Le premier Nicolas Mairesse, l’époux de Antoinette Sohiez, mayeur de Caullery en 1645, eut sans doute pour père Léonard Mairesse, de Neuvilly, décédé en 1643, dont un fils, Pierre, soldat en 1643, donne à sa soeur Marie Mairesse, femme d’Anthoine Guillebert, chirurgien à Cambray, " 9 mencaudées, 4 pintes de terre, dont un jardin hors la porte Saint-Sépulchre, venant de Léonard Mairesse, leur père décédé " (Arch. de Sorval, AA 6ter 3). Nicolas Mairesse et Marie-Anne Leducq eurent, avec les cinq garçons déjà cités, un autre Anthoine qui fut homme de loi, procureur à Cambrai, au service du Chapitre et que l’on voit, en 1693, remplacer comme greffier de la tour du Chapitre, avec la permission du Chapitre, Philippe Harou,le scribe en titre (Ms 1092, f° 360). Antoine, qui avait épousé Marie-Marguerite Michel, mourait en 1696, ne laissant qu’une fille en bas âge, M.-A. Josèphe, qui épousera François Béresse, de Cambrai, et vendra, par la suite, ses biens à ses oncles Jean-Baptiste, André et Pierre-François. En 1667, Nicolas Mairesse faisait l’objet de la part du Chapitre d’une grâce spéciale. Il l’acquittait, en effet, de l’homicide par lui commis en la personne de Thomas Maniez, de Ligny, à condition de payer les dépenses de justice, l’amende fixée, d’indemniser la partie civile et de venir à l’église avec une chandelle de cire de deux livres et l’allumer devant le vénérable sacrement (Ms 1090, f° 202).

Un autre Nicolas Mairesse, époux de Marie Soufflet, habitant Neufvilly à la même époque, pour avoir laissé noyer leur enfant, était acquitté, en 1687, de la faute qu’il avait pu commettre à cette occasion, à condition aussi de payer tous frais de justice, de se confesser et communier et d’offrir un cierge d’une livre au vénérable sacrement dans leur église (Ms 1092, f° 1682).

C’est en mulquinerie que les Mairesse des branches Pierre et André passent leur vie, en même temps qu’ils exploitent, avec les terres qui leur appartiennent, quelques lopins de terre qu’ils louent; tel Jean-Louis Mariresse, qui meurt en 1792, à l’âge de 84 ans; il avait exploité 3 mencaudées de terre de l’abbaye de Cantimpré, voisines de celles occupées par Pierre-Philippe Delbarre (A.D.N. 37 H/189). Il avait fait un testament en 1783; en 1788, il le renouvelait et partageait ses biens entre ses nièces, dont l’une, Marguerite, mariée à Pierre-Louis Ramette, maître mulquinier, qui habitait la maison (plus tard demeure Dévémy) contigüe à la sienne, qu’il donnait à Marie-Catherine, son autre nièce. Il léguait le reste à son neveu Pierre-Henry Mairesse, à condition qu’il laissât un passage suffisant sur ses terres, à partir de la rue Ladrière; c’est ainsi qu’on appelait alors la rue du Sac, qui se terminait à la maison de Jules Carlier anciennement, jusqu’à sa demeure à lui, c’est-à-dire la maison actuellement Raymond Bagouin.

Son neveu Pierre-Henry Mairesse, en même temps qu’il cultivait ses terres, était aussi un maître mulquinier; aux abords de la Révolution, il se trouvait embarassé dans ses affaires; c’est ainsi qu’il faisait l’objet, en germinal an VII, d’une inscription hypothécaire de ses biens pour une créance de 361 francs 70 centimes qu’il devait à Isaac Alavoine, de Bohain, tandis que son parent, J.-B. Claisse, de Clary, faisait l’objet d’une même inscription pour une somme de 671 francs 64 centimes, montant des fermages non réglés par lui pour une parite des terres qu’il avait " affermées au ci devant Chapitre de Saint-Géry de Cambrai ".

Pierre-Henry Mairesse est lieutenant mayeur, tandis que ses parents, alliés, les Leducq, les Quennesson, sont choisis comme mayeurs de Caullery; plus tard, à la Révolution, un Bourlet, dont le grand-père Charles a épousé Jeanne-Marguerite Mairesse, la tante de Pierre-Henry, sera élu maire de la commune, tandis que les autres parents, Gabet, Wargniez, Warnet, sont échevins.

Les Mannessier se rencontrent dès 1632 en même temps que les Labbé, dont une branche se fixe à Montigny; on les voit alliés aux Ramette, aux Carlier; la famille Lor apparaît avec Jacques, qui est berger en 1678, tandis que ses descendants seront cordiers; de même les Tassoux, dont l’un est clerc clériquant, c’est-à-dire maître d’école, et chantre " Magister ". Paul Tassoux meurt à 80 ans en 1740, remplacé par Jacques Delattre, puis plus tard, par Maurice Dolez, dont le père Hubert est venu d’Iwuy s’installer à Caullery comme " feseur de lin ", appelé par les Mairesse et autres mulquiniers; Pierre-Henry Mariresse, J.-B. Lestoquoy et J.-B. Leducq lui servent de témoins le 31 mai 1746, lors de son mariage avec Jeanne-Marguerite Ramette.

Une branche des Tassoux est faite aussi de cordiers de père en fils, auxquels succédera un Maillart, venu épouser une de leurs filles et habiter leur maison, remplacée actuellement par une autre où résidait un de ses descendants, François Maillart.

Les de Bonneville ou Bonneville, dont Arnould, mayeur de 1627 à 1628; les de la Hay ou Delhaye, dont l’un, André, est mayeur de 1630 à 1644. On voit apparaître en 1603 un Jean Courbet, habitant de Caullery à qui le Chapitre permet de reprendre sur Montigny la moitié des terres affermées à Géry Lamouret, en difficulté pour payer les rendages de son bail.

Au milieu du XVIIIe siècle, un Devémy, d’Avesnes-le-Sec, vient épouser une Ramette; il est laboureur et mulquinier. Quelques années après, un autre Devémy, tailleur de pierre à Avesnes-le-Sec, vient aussi se marier avec une Ramette. La famille Lor, qui semble avoir commencé avec Jacques, berger à la fin du XVIIe siècle, comprendra par la suite des cordiers de père en fils et des mulquiniers. A ce moment, les Laude viennent s’installer comme maréchaux, tandis que Louis Pochet, " lignier ", vient de la Somme se marier en 1738 avec Agnès Lor et signe Pauchet au baptême de son fils Théodore, qui sera maître d’école et eut pour parrain Théodore Leducq et Marie-Angélique Mariresse pour marraine. Philippe Carlier est dit " escorcheur ", tandis que les Bugnicourt viennent de Clary exploiter le moulin du Chapitre qui se trouvait au bout des jardins Billard et Dolez, auxquels on accédait par la ruelle du Moulin, en partie obstruée maintenant; les Dubois, vers la fin du XVIIe siècle, vendent leurs biens à Caullery pour devenir bourgeois du Cateau. On voit au XVIIIe siècle encore un Féron meunier, Darmenton marchand de lin; un Lenglet est berger, J.-B. Watelle est cordier en 1742; parmi ses descendants, d’aucuns sont couvreurs de paille, tandis qu’un Vitou est tailleur d’habits en 1738; ainsi qu’un Prévier. Un Leriche est couvreur de profession; J.-B. Tordoy, de Ligny, vient épouser en 1762 M.-A. Pol, fille de feu Michel, charpentier; J. Bte Desjardin, de Lesdain, fils de Gisbert, épouse en 1753 Catherine Ramette; il y a en 1749 un Degotte, perruquier. J.-B. Harpin, chirurgien établi à Honnecourt, natif de Tracy-le-Mont (Aisne), vient épouser Hélène Gabet, la fille d’Hélène Mairesse; son fils Alexandre épousera en 1789 Marie-Reine Leducq, fille de Théodore, fermier, et de Jeanne-Marguerite Losiau, sa seconde femme.

Les Gaillet viennent à la même époque de Busigny. Le premier connu, ouvrier en soie, épouse Marie Douay, fille de Jean et de Michelle Lestoquoy.

Jacques de la Ruelle, natif de Mainnevret (Aisne), carlier ou charron, en 1737, épouse Marie-Françoise Bonneville, tandis que les Pesin sont aussi maréchaux en 1740.

Cette arrivée à Caullery de nouveaux habitants avait suscité les inquiétudes du Chapitre. Il faut le croire : le registre capitulaire (Ms 1098, f° 222) porte, à la date du 14 juillet 1741, que le bailli général du chapitre est autorisé par lui à expulser les étrangers qui s’étaient installés sans son autorisation et à choisir un autre mayeur. C’était alors Jean-Baptiste Mairesse qu’on appelait le jeune et qui, depuis 1735, remplaçait son père Jean-Baptiste, qu’on appelait l’aîné dans les actes du ferme.

Jean-Baptiste l’aîné avait eu la permission de reconstituer sa demeure, qui existe encore et appartient à Paul Gaillet. On voit encore sur la porte d’entrée la date de 1721 avec ses initiales et celles de sa femme, M.-A. Lefebvre, qui était d’Ors. Il mourait en mai 1742 à l’âge de 80 ans et on l’enterrait dans l’église.

Mais si le Chapitre était mécontent de l’administration du mayeur, qu’il fit remplacer en février par Jacques Lestoquoy, son cousin, lequel avait épousé Jeanne-Marguerite Mairesse, la fille de Pierre-François et de Marie-Barbe Lenglet; il n’en conservait pas moins sa protection tutélaire envers la famille du mayeur, qui était son fermier. C’est ainsi que, le 23 septembre 1743, le Chapitre, pour mettre fin aux ennuis qu’avait suscités à M.-A. Lefebvre, son gendre Jean-Adrien Flamand, cirier de la paroisse Saint-Martin du Cateau, qui s’était marié le 28 juillet 1741 avec M.-A. Thérèse Mairesse, avait ordonné de suspendre l’exécution de la saisie sur ses biens meubles, faite à la requête de Flamand pour obtenir le règlement de la somme qui lui avait été allouée par son contrat de mariage, mais demandait en même temps à M.-A. Lefebvre de régler cette affaire au mieux des intérêts de chacun (Ms 1099, f° 298).

Quoi qu’il en soit, un Charles Chevalier s’était marié à la même époque, avec Marie-Catherine Quennesson, veuve de Michel-Antoine Mariresse.

Après la Révolution, Louis-Jh. Vaillant, " fabriquant de lin " à Thun-Lévêque, venait épouser en 1808 Marie Lor, mulquinière, dont les parents étaient décédés. Il fut la tige des Vaillant, dont le dernier représentant était renommé autant par sa profession de chasseur de taupes que par ses excentricités. Le 15 novembre 1809, J.-B. Happe, cultivateur d’Haucourt, fils de Henri, venait épouser Marie-Thérèse Bourlet, âgée de 17 ans, la fille d’Etienne et de Marie-Thérèse Merliot. En 1810, un Mailly Jean-Baptiste, mulquinier de Walincourt, épousait Marie-Augustine Bourlet, fileuse, fille d’André et de Pacifique Lestoquoy, tandis que, le 12 septembre de l’année 1808, s’installait la famille Cattelain. Jean-Baptiste, mulquinier à Selvigny, enfant de Benjamin-Pierre, lui aussi mulquinier, reconnaissait pour son fils, Daniel, né le jour précédent de Catherine Bugnicourt, la fille du meunier Alexandre, avec laquelle il se mariait quelques temps après et faisait cette lignée de Cattelain si nombreuse et toujours vivace.

Le 10 janvier 1829, naissait Adèle-Léocadie Thelliez, dont les parents, Jean-Baptiste et Angélique Herlem, ayant habité quelques temps Ligny-en-Cambrésis, après avoir quitté Saint-Hilaire, étaient venus reprendre une petite culture, un moulin, sur la route de Ligny, en même temps qu’une boulangerie et un cabaret, et créaient, eux aussi, une lignée nombreuse, mais dont le nom patronymique disparaît. Simon Herlem venait de Saint-Hilaire rejoindre sa soeur Angélique; par son mariage avec Honorine Devémy, il créait la lignée des Herlem de Caullery, qui s’éteint elle aussi. De Walincourt, Hippolyte Wargniez venait, en 1807, épouser Marie6Joseph Bourlet, la fille de Joseph et de Marie-Séverine Gabet; sa famille est disparue. Adrien Vitou, mulquinier de Ligny, se mariant en 1815 avec Angélique Quennesson, créait une famille aussi disparue, qui a donné à Caullery un adjoint au maire, Adolphe, et un éminent maître d’école, Emile, dont les petis-enfants sont installés encore à Roubaix. Alexis Trouillet, de Salesches, berger, épousait Marcelline Pharez, la fille de l’ancien violoniste. Un cultivateur de Villers-Outréaux, Charles Ledoux, épousait en 1830, Adélaïde Claisse, la fille d’Hubert et de Catherine Déjardin, dont la situation religieuse avait été réglée par la cardinal Caprara; la famille qu’il a fondée s’éteint également. Augustin-Louis, de Villers-au-Tertre, descandant des anciens seigneurs de Ligny-en-Cambrésis, se mariait le 7 mai 1834 avec Marie-Prudence Lestoquoy, fille de François et d’Honorine Mairesse, lignée aussi disparue; Auguste Estevez, d’Esnes, dont le fils Henri épousait en 1842 Marie-Saturnine Leducq, fille de François et d’Agnès Quennesson, n’a plus aucun descandant mâle; Xavier Cagnoncle, berger lui aussi, dont la fille Constantine épousa, le 28 janvier 1844, Charles-Joseph Pezin, a fondé aussi une famille pratiquement disparue. De même, Henri-Humbert Piettre, qui, de Caudry, était venu s’installer en 1848, par son mariage avec Marie-Louise Bourlet, fille de Louis et de Marie-Catherine Leducq, à l’emplacement des Dubois et d’une ancienne demeure des seigneurs de Caullery, actuellement maison Moity. Célestin Gaillègue, de Villers-Outréaux, par son mariage, le 11 novembre 1857, avec Marie Mairesse, fille de feu Auguste et de Victoire Dreux, a donné naissance à une souche de tailleurs d’habits. D’Elincourt, Charlemagne Décaudin, qui sera maire dans une période de la guerre de 1870, comme son petit-fils le fut pendant une période de la guerre 1939-1945, était venu épouser une Bourlet de la rue de Cambrai; un Billiard, de Prémont, vint quelques temps après épouser une Bourlet de la rue de Ligny. François Hutin, de Walincourt, venait, en 1847, se marier avec Marie-Félicité Bourlet, fille d’Elie et de Marie-Félicité Claisse.

Tous ces noms rappellent à nos mémoires le souvenir de familles qui florissaient ou s’épanouissaient dans la commune presque jusqu’à la période de la grande guerre 1914-1918. Quelques-unes font encore une part importante de la population de Caullery, qui a dû varier au cours des âges par les destructions amenées par les guerres, les épidémies, aussi bien que par les circonstances économiques.

Si l’on ne possède pas d’une façon précise de renseignements exacts sur la population de Caullery dès les premiers âges et jusqu’aux abords mêmes de la Révolution, cependant on peut dire, d’après l’auteur de " l’enseignement primaire dans le Nord ", paru en 1879 dans le Bulletin de la Commission Historique du Nord, qu’il y avait à Caullery, entre 1756 et 1790, le nombre de 110 feux, ce qui représente au moins 440 habitants. A la Révolution, en 1790, le maire Joseph Bourlet, dans un rapport fait au District de Cambray (A.D.N. L6979), dit que la population est de 427 habitants, répartie en 107 feux. Lors de l’établissement du cadastre de 1811, on compte 96 maisons dont 25 classées en série A. En 1849, A. Bruyelle, dans ses Notes historiques sur les communes de l’Arrondissement de Cambrai, évalue la population à 717 âmes pour 107 maisons. Elle était de 878 habitants en 1867, selon un rapport du Conseil municipal. L’abbé Cailliez, dans sa notice sur Villers-Outréaux, dit que la population de Caullery était, en 1879, de 930 habitants. Aux abords de la guerre de 1914, la paroisse, sous M. l’abbé Dupas, comptait 916 ouailles. Le calendrier des Postes de 1940 n’accuse plus qu’une population de 645 habitants et, en 1960, 556 habitants seulement pour la commune de Caullery.

Cette agglomération, faite essentiellement de laboureurs et de leurs employés, de mulquiniers maîtres ayant à leur compte quelques métiers à tisser, ou d’ouvriers (les lanceux, comme on dit encore, travaillant le lin dans les caves et la laine dans les ouvroirs déjà mentionnés au XVIIe siècle, sinon dans la chambre commune de la demeure, à côté des fileuses, ourdisseuses ou trameuses), était cantonnée dans une sorte d’enclos (on trouve ce terme employé dès 1648), constitué de haies vives, d’épines, de charmes, d’ormes ou de noisetiers qui déterminaient exactement le périmètre où se trouvaient installées les demeures.

Le long de ce périmètre, à l’extérieur, s’était formé une sorte de sentier public depuis un temps immémorial, qui rendait service à la circulation, et notamment à plusieurs habitations qui existaient sur son étendue, comme le rappelait la délibération du Conseil municipal du 23 mai 1864. Il s’agissait d’accéder à la demande faite le 17 avril précédent par certains riverains, en aliénant partie du tour des haies; mais c’était " compromettre la régularité géographique de la commune, qui possède ainsi une ligne d’enceinte qui lui sert de promenade publique ".

        Ce tour de haies existe actuellement encore en grande partie; il est moins utilisé certainement et, tout en ne servant plus de promenade, donne encore à l’aspect extérieur du village, bien que plusieurs maisons aient été construites depuis 1864 au-delà de cette ligne d’enceinte, une physionomie caractéristique qui n’est pas sans frapper les visiteurs ou passants.

 

 

Le 23 mai 1864, le Conseil municipal avait à décider de la suite à donner à la demande faite par Hocquet-Happe, Alexandre Lor, Vitou, Vis, Pierre-Joseph Bourlet, Delbart et Hautcoeur pour obtenir de la commune l’aliénation de la voie publique dite du tour des haies, prenant naissance vers le Nord à la route vicinale n° 59 (route de Ligny alors, nouvellement élargie et pavée), entre les propriétés de Ch. Dolez et Etienne Delbart, ayant issue sur la rue de Cambrai entre les fermes d’Henri Estevez et Hocquet, longue de 400 mètres sur 2 mètres de largeur.

Les demandeurs s’appuyaient sur l’aliénation d’une autre partie qui lui faisait suite entre la rue de Cambrai et la nouvelle route de Selvigny, qui venait d’être refaite. Cette partie, appelée petite ruelle de Selvigny et côtoyant la propriété de J.-B. Quennesson-Millot, ayant une surface totale de 76 centiares suivant arpentage de Delhaye, agent voyer à Cambrai, avait été vendue pour 100 francs à J.-Bte Quennesson avec l’agrément de la Préfecture. Mais, comme on le faisait remarquer, cette ruelle était devenue inutile, " puisque la route l’a remplacée et qu’elle longe cette route "; si son aliénation avait eu sa raison d’être, parce qu’elle n’était plus d’utilité à cause de la route 59, il n’en était pas de me^me pour la suppression demandée par Hocquet et consors. C’est pourquoi, à la majorité de huit voix contre trois, bien que le maire Ch. Dolez, Delbart et A. Vitou, membres du Conseil, ainsi que P.-Jh. Bourlet, étaient partisans, sinon avoués, mais au moins bénéficiaires de cette aliénation, le Conseil municipal la rejeta; ce qui était répondre à l’avis de la majorité de la population, dont une pétition comptant 160 signatures avait été envoyée le 16 mai précédent au Sous-Préfet pour protester contre cette suppression.

On sait que, depuis ce temps, si la partie comprise de la ruelle du Moulin, depuis la maison Hautcoeur jusqu’à la rue de Cambrai, est restée publique, par contre l’entre-deux qui allait de la maison Hautcoeur jusqu’au moulin et passait entre les propriétés Delbart et Dolez a disparu au profit des riverains.

Dans cet enclos bien délimité, mais qui pouvait compter, si l’on en juge par le cadastre de 1811, alors que le village n’avait guerre été modifié dans les emplacements des demeures, une surface de 19 hectares 10 ares 10 centiares, soit près de 58 mencaudées, s’étaient groupées, les habitations principalement, près de l’église, du cimetière, du préau ou préel, comme on dit en 1601 et 1605, de la place verte, comme on l’appelle plus tard. D’autres s’étaient disséminées par les " porchoins ", les ruelles ou " wareschaix " du Moulin, du Loup, de Ladrière, du haut de la ville, ou groupées près des fermes, soit du Chapitre en haut de la ville, soit de l’abbaye de Cantimpré, en la rue d’en bas ou d’Elincourt, ou de Saint-Aubert, de la rue de Cambrai ou de Ligny, ou bien près de la Toffette. Cette appellation désignait une auberge où pendait une touffe d’herbes, bâtie sur une mencaudée que rachetait, en 1720, André Mairesse à sa nièce Anne-Marie, la fille du procureur à la Cour épiscopale, Antoine, et que possédait ces derniers temps encore la famille Augustin Taisne-Thelliez. L’emplacement des maisons et dépendances bâties occupait 3 hectares 84 ares et 80 centiares, celui des jardins 6 hectares 49 ares 20 centiares; les pâtures et vergers occupaient près de 10 hectares; certaines demeures se situaient sur une pinte, soit 2 ares 21 centiares; d’autres, comme la cense du Chapitre, sur 5 mencaudées ou plus.

Quelques maisons de fermes importantes, comme la cense du Chapitre installée à la place du Château principal des sires de Caullery, dont les douves pleines d’eau subsistèrent jusqu’au début de ce siècle; celles du fermier de l’abbaye de Cantimpré, rue d’En-bas; du fermier ou bailli du Sartel, même rue, ou de Saint-Aubert, rue de Cambrai, étaient bâties en pierres de taille et couvertes de tuiles, du moins à partir du XVIe siècle.

La ferme du Chapitre, en 1721, sera reconstruite en pierre de taille et briques. Les autres maisons ou masures étaient vite édifiées. Faites de torchis ou pisé, n’ayant qu’une place ou deux, reposant sur une assise de pierres ou briques, elles se faisaient très souvent avec l’aide de voisins qui se passaient de fourche à fourche les " panions ", blocs d’argile agglutinés de paille, avec lesquels un maçon plus expérimenté construisait les murs. Les planchers ou plafonds, pour servir de grenier, étaient également constitués par ces " panions  " placés à même les poutres apparentes, reposant sur de gros sommiers de chêne ou de bois blanc. Comme on se servait assez souvent de bois vert coupé à même le bois du Chapitre, soit à Caullery, soit à Briseux - les registres capitulaires en font mention à plusieurs reprises- les poutres, sous le poids de l’argile qui rendait l’intérieur de la demeure frais en été, moins froid en hiver, se courbaient et donnaient à cet intérieur un aspect pittoresque que certains ont pu encore connaître jusqu’en 1914.

Blanchies à la chaux, à l’intérieur comme à l’extérieur, couvertes de chaume, bien que depuis un certain temps avant la Révolution on ait fait obligation de couvrir les nouvelles demeures de tuiles ou pannes, beaucoup subsistèrent jusqu’en 1914 et même un peu au-delà. Certaines avaient des caves spacieuses où se mettaient les métiers à tisser le lin, qui nécessitait pour le travailler une certaine fraîcheur ou humidité.

Lorsque le coton fit son apparition, on installa les métiers dans les places communes, où l’on fabriqua aussi des ouvrages de soie, précieux et compliqués, à côté des rouets des fileuses ou trameuses et des moulins des ourdisseuses.

Les quelques maisonnettes encore existantes de la ruelle du moulin rappellent encore ce que pouvait être l’aspect extérieur de l’ensemble de la plupart des demeures avant la Révolution tout au moins.

C’est autour des points d’eau accessibles au public que s’étaient groupées les masures, manoirs ou maisons des tisseurs, journaliers agricoles, voire artisans, cordiers, charrons ou " carliers ", charpentiers et maréchaux ferrants. Il y avait au moins quatre puits publics dont la communauté pouvait se servir : un au bout de la ville, un rue de Ligny, un rue de Selvigny, un autre à la rue du Sac, au croisement de la ruelle des Loups; plus tard, un autre fut creusé sur la rue du Couvent qui prolonge la rue dite Ladrière, sur les terres d’un Mairesse, près d’un noyer, percé dans le sable dont la carrière d’exploitation avoisinante est encore visible par la déclivité des jardins faites sur son emplacement; il fut abandonné quelques années avant 1914.

Les anciens peuvent encore se souvenir des nombreuses allées et venues à ces puits, particulièrement à celui de la rue du Sac, où les gens venaient à deux, portant la selle avec un tinet sur les épaules, ou seuls, tenant au bout du bras avec précaution le seau d’eau pour ne pas renverser ce précieux liquide.

Les maisons plus importantes par leur exploitations agricole avaient leur puits particulier, tels ceux usités par la famille Catherine Thelliez, Grière-Ramette, Henri Laruelle, Augustin Taisne, Cagnoncle, Piettre Bourlet, du Presbytère, sans compter ceux postérieurs à la Révolution, des Ecoles, Warnet, Charles Quennesson, de la famille Aubry, " Ch’tiot boutier ", c’est-à-dire le meneur de boeufs de labour de Ch’tiot Bourlet (ferme Billiard actuellement).

A la rue d’En-Bas, c’était le puits des Leduc, les fermiers ou baillis du Sartel, puits le plus important et le plus profond, où l’on a retrouvé il y a quelques cinquante ans, à six mètres de profondeur, des percées qui menaient à des chambres souterraines qui servaient aux habitants pour se cacher des ennemis, le puits des censiers de Cantimpré, Lamouret, Delbart, Estevez, Laude et Drecq actuellement. Gosselet, qui fut un éminent géologue de son temps, écrivait en 1869 qu’il fallait descendre à Caullery de 37 à 40 mètres pour avoir de l’eau en le rue d’En-Bas, tandis que dans le haut du village, par suite de limon ou du sable qui reposent sur une couche d’argile d’un mètre cinquante à deux mètres d’épaisseur, on trouvait de l’eau à quelques mètres, ce qui est exact. Il faisait aussi remarquer que, sur cette argile, existait " une épaisseur de sable roux grossier qu’on exploitait au bout de la rue du Sac, près du temple protestant ", c’est-à-dire en face du puits percé près du noyer, qui s’est lui aussi ensablé par la suite et fut délaissé bien avant 1914. On sait aussi qu’il fallut descendre presque à 40 mètres pour trouver l’eau nécessaire, lorsque la brasserie Cattelain fut installée.

Mais à cette population, désormais, depuis l’installation, il y a une vingtaine d’années, d’un puits central ou Château d’Eau, en un point dominant du village, au Bout de la Ville, l’eau est maintenant distribuée à profusion dans chaque demeure. Les anciens puits ont été délaissés : d’ailleurs, ce forage puissant les a presque asséchés, les corvées d’eau sont erminées; si le pittoresque de ces allées et venues pour se procurer ce liquide si précieux pour la vie a disparu, le confort et l’utilité de son arrivée à domicile ne le font pas regretter et l’ont déjà fait oublier.

L’adduction d’eau potable à toutes les maisons qui l’ont acceptée a eu pour conséquence également la suppression de l’abreuvoir communal, établi au centre de la commune, sur la place actuelle, face au tournant de la route de Selvigny à Ligny.

Tout le monde se souvient de cette flaque d’eau croupissante et noirâtre, entourée de murailles auxquelles venaient s’adosser les badauds et les enfants, dans laquelle venaient barboter les canards du voisinage et passaient les chevaux le midi et le soir au retour des champs, où certains cultivateurs, les uns avec des tonneaux sur traîneaux, d’autres avec des tonnes placées sur deux roues, venaient prendre l’eau destinée à leur bétail parqué dans les champs.

Cette mare d’eau ouverte à tout venant était un danger public. Il y eut au moins un enfant qui y fut noyé avant 1870; devenu péril plus immédiat après la réalisation, en 1859, de la route actuelle 59 de Solesmes à Aubencheul-au-Bois, qui traversait le village comme l’avaient désiré les édiles de la commune, le Conseil municipal, dès le 28 juin 1861, votait un crédit supplémentaire de 1.200 francs pour faire la muraille destinée à l’entourer. Les plans et devis seraient dressés par l’agent voyer Delhaye; les cultivateurs s’engageaient à faire les transports gratuitement, surtout si ce n’était pas en temps de moisson. D’autre part, les travaux d’exécution favoriseraient certains ouvriers sans ouvrage. Le Conseil allait soumettre l’exécution de ces travaux à l’adjudication publique dans les formes voulues et demandait au Préfet d’approuver sans retard cette décision. Dans sa réunion du 22 septembre suivant, le Conseil municipal acceptait les plans et devis de l’agent voyer Delhaye; les pilastres des murailles seraient faits de briques et non de pierres de taille, plus difficiles à trouver et plus chères, ce qui faisait une réduction de cent francs au moins. L’engagement des cultivateurs à transporter les matériaux et décombres gratuitement faisait gagner au moins 160 francs et le sieur Vitou s’était aussi offert à exécuter les travaux de cette muraille pour 1.000 francs sans prendre de bénéfice. Le Conseil municipal, à l’unanimité, acceptait le tout et demandait " à M. le Sous-Préfet de donner également son approbation ".

L’abreuvoir ou " wez ", du mont vadum, qui signifie gué, " Ch’wez ", comme l’on dit encore couramment, existait à Caullery depuis bien longtemps. En 1609, le 21 mai, Jacques Gontiez et Jenne Canonne, sa femme, mulquiniers demeurant à Walincourt, vendaient à Anthoine de Proy et Clarette Canonne, sa femme, fuzeliers à Caullery, une portion d’héritage, tenant de debout au wareschaix du Seigneur par-dessus le wez et à une mencaudée de fief appartenant aux dits acheteurs, d’après un acte précédent du 12 mars. Cette mencaudée était située au " chemin de Cambray " (actes du ferme de Caullery).

Le 14 juillet 1591, le Chapitre avait accordé en arrentement pour 90 ans, à commencer à la Noël prochain, à Pierre Gryer, habitant de Caullery, une certaine partie de warescaye, contenant environ une demie boistellée de terre, où depuis longtemps se tenait l’abreuvoir des chevaux, " aquatorium equorum ". Grière devait à chaque Noël une redevance d’un capon et fournirait trente florins pour les édifices à construire (Ms 1077, f° 68). On pourrait reconnaître ce lieu comme l’emplacement de la grange J.-B. Ramette. L’abreuvoir aurait donc été quelque peu changé de place.

Au cadastre de 1811, fait sous le contrôle de la Justice de Paix de Clary, où l’on donne le rapport des anciennes mesures, mencaudée, boitelée, verge, pied avec " l’arpent métrique, ou hectare, are et centiare ", on peut encore retrouver la contenance occupée par les habitations d’avant la Révolution. C’est ainsi que la maison de cense du Chapitre, veuve Mairesse, aujourd’hui Paul Gaillet, occupe 21 ares 20, le verger 51 ares 50, le jardin 14 ares 50, la maison Pierre-Joseph Mairesse-Maillard 41 ares 10, l’ancienne cense, actuellement Claisse Brillet, 44 ares 10 avec les fossés; la maison Jean-Louis Bourlet, mulquinier, 1 are 40; la grange, 60 centiares; la pâture, 12 ares 80; l’autre maison 1 are 20, avec 9 ares 60 pour le jardin; c’est l’ensemble des maisons Grière et J.-B. Ramette. Pierre-Joseph Bourlet, rue de Ligny, a sa maison de ferme bâtie sur 12 ares 90 centiares; son jardin est de 11 ares 80, sa pâture de 15 ares 40; à côté, Etienne Watelle, couvreur de paille, rue du Moulin, a une maison bâtie sur 1 are 90 centiares; son jardin possède 5 ares 90; Henri Lestoquoy, cabaretier, a une maison bâtie sur 2 ares 10, son jardin est de 6 ares 10; Etienne Bourlet, rue de Cambrai, a une maison bâtie sur 10 ares 10, son jardin est de 12 ares; Lambert Bénicourt, meunier, a une maison bâtie sur 3 ares 20, son moulin à vent est construit sur une surface de 8 ares 70 et son jardin est de 25 ares 70. Louis Banse, valet de charrue, a une maison bâtie sur 2 ares; aux hérituers Pigot, la demeure est construite sur 3 ares 70, plus 20 centiares de jardin; à Jean-Baptiste Preires, la maison a une surface de 1 are 60, le jardin 2 ares 20. Jean-Baptiste Milot a sa maison sur 10 ares 90; Etienne Delbart sur 2 ares 31, Célestin Lamouret, mulquinier, sur 1 are 60, plus 5 ares 90 de jardin; la veuve Jean-Baptiste Lor a sa maison bâtie sur 2 ares 60 avec 6 ares 80 de jardin; Jean-Baptiste Carlier a une maison qui n’occupe que 50 centiares, son jardin a 5 ares 80, son verger 23 ares 60; c’est la maison actuelle Donation Mairesse-Quennesson. Jacques Delbart, cultivateur, a une maison qui occupe 9 ares 80, son jardin 5 ares 60, son verger 20 ares 80; c’est la maison des fermiers de Cantimpré. Jean-Baptiste Cattelain a une maison bâtie sur 90 centiares et son jardin contient 8 ares 70.

En 1854, dans le cadastre exécuté sous la direction du contrôleur Pannicot, à la demande du Conseil municipal du 5 août 1852, d’accord avec les contribuables les plus imposés, dont Etienne Mairesse, Augustin Laude, Quennesson Millot et Benjamin Wargnier, on fit une division en sept classes pour les maison bâties, avec supérieur et inférieur dans chaque classe, ce qui faisait en réalité quatorze. Ainsi, dans la classe 1 au supérieur était placée la maison Adolphe Vitou, cabaretier; à l’inférieur, François Bourlet, cultivateur; en classe 2, Auguste Estevez, cultivateur, pour le supérieur et Etienne Lor, tisseur, pour l’inférieur; en classe 3, Louis Mairesse, tisseur, pour le supérieur et l’inférieur Joseph Portiez, tisseur; en classe 4, Pierre Proy, charron, pour le supérieur et la veuve Jean-Baptiste Lestoquoy pour l’inférieur; en classe 5, Pierre-Joseph Millot, tisseur, pour le supérieur et Emmanuel Poulet, tisseur, pour l’inférieur; en classe 6, Auguste Dégremond, tisseur, pour le supérieur et la veuve Jean-Baptiste Carlier pour l’inférieur; en classe 7, la veuve Jean-Baptiste Normand pour le supérieur et les héritiers Jean-Baptiste Chevalier pour l’inférieur.

Evidemment, en 1854, la maison Dolez, actuellement Décaudin, n’était pas encore édifiée; l’abbé Plouvier dit que c’est en août 1854 que J.-B. Dolez la fit construire, tandis qu’en face, en 1857, sur le terrain Quennesson Pluvinage, des Parisiens faisaient bâtir le tissage Laurent. Charles Dolez, le maire, habitait toujours sa demeure de la rue du Coin, qui appartenait, il y a quelques années, à feu Emile Démarcq-Laruelle. LA FABRIQUE Dolez n’était pas encore construite, ni celle d’Etienne Delbart, ni sa demeure, qui étaient, avant 1914, les propriétés bâties les plus imposables, sinon les plus belles. Les constructions des Cattelain de la rue d’En-Bas, adjointes à l’ancienne maison d’Alexandre Bugnicourt, à la Chaudière, n’existaient pas non plus; et pas davantage les quelsues maison s édifiées sur la route de Ligny avant 1914. Evidemment encore, dans l’état actuel du village, la maison Adolphe Vitou ne pourrait être placée comme type de la première classe des revenus imposables aux propriétés bâties. Le village s’est considérablement embelli deppuis 1918, les constructions ont débordé au-delà des limites de l’enceinte primitive de l’enclos du village; si certaines habitations ont disparu, celle de Lambert Bugnicourt, par exemple, ainsi que son moulin, le moulin à loques et le chauffour, d’autres demeures comme celles de la ruelle du Moulin, ont été bien améliorées; il n’y a plus de toits de chaume qui avaient leur pittoresque, mais aussi leur danger, les murs en pisé ou torchis pourraient être comptés sur les doigts de la main. Les nouvelles bâtisses ont apporté à la commune un certain aspect d’élégance, mais il est à souhaiter que le mouvement rétrograde de la population soit enrayé et que sa vitalité d’il y a cent ans soit restaurée.

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