AVIS AU LECTEUR

             

RACONTER à ses compatriotes l’histoire du passé de son village natal est toujours un plaisir accompagné, il est vrai, de beaucoup de recherches et d’efforts nécessaires pour la dire aussi exacte que précise.

La famille seigneuriale qui s’est installée à Caullery, dont elle a pris le nom, descendait des anciens comtes de Cambrai et, par eux, peut se rattacher aux Carolingiens qui ont fait la France, sinon aux Mérovingiens. Elle habita plus de trois siècles le pays et ses possessions territoriales ou seigneuriales dépassaient de beaucoup la contenance actuelle du terroir, qui ne comprend qu’un peu plus de 240 hectares.

Arrivés dès les premiers temps de la féodalité, au temps où l’étranger, sinon le voisin, était un ennemi contre lequel il fallait se défendre les armes à la main, les sires DE CAULLERY, installés sur leur motte, tour ou fort, étaient de vaillants guerriers, fiers de leur sang, de leur race, de leurs alliances ; s’ils remplissaient avec zèle et ponctualité leurs devoirs de vassalité envers leurs suzerains sires de Walincourt ou d’Esnes, il n’en reste pas moins que l’un d’eux, Gilles, dont le prénom se retrouve à presque toutes les générations de la famille, a pu faire inscrire sur sa tombe que, fort et valeureux, il ne craignait ni roi ni comte.

Cependant, par suite des enfants nombreux à toutes les générations, qui avaient droit de partage, les possessions des sires de Caullery s’amenuisèrent tant et si vite qu’au XIVè siècle elles étaient disparues, cédées au abbayes par nécessité ou dévotion, tandis que le titre même de seigneurie et celle-ci même étaient acquis par le Chapitre de la Cathédrale de Cambrai, qui en resta le seigneur du XVe siècle à la Révolution.

Émigrés à Iwuy, Avesnes-le-Sec, Villers-en-Cauchie, ils sont cultivateurs, propriétaires, mais aussi censiers ; ceux qui se fixèrent à Cambrai devinrent les officiers du Chapitre, juristes renommés ou marchands (1), et finirent en beauté au commencement du XVIIè siècle, par deux peintres portant le prénom de Louis, ont le dernier, qui était parti pour Anvers, a laissé deux tableaux de grande valeur.

Dispersés en Thiérache comme en Cambrésis, sinon en Ostrevant, les DE CAULLERY ont fini par oublier sinon leur origine, du moins très souvent l’écriture de leur nom. Certains d’entre eux se sont fait remarquer cependant de leur temps, et l’on peut compter avec fierté, dans les derniers possesseurs du nom, un membre déminent de l’Académie des Sciences, décédé plus qu’octogénaire en 1958 et dont la souche familiale s’est depuis longtemps implantée en Thiérache, au voisinage du Cambrésis.

Dans le village même de Caullery existait une seigneurie, le Sartel, indépendante des sires de Caullery et relevant, au point de vue féodal, des seigneurs de Velu en Artois. Le nom est encore porté par la famille Fremin qui, propriétaire de l’ensemble de la seigneurie avant la Révolution, en possède encore quelques terres justifiant son appellations de Fremin du Sartel.

C’est avec les documents, trop peu nombreux cependant, retrouvés aux Archives Départementales, comme avec les renseignements puisés aux Archives Communales de Cambrai et dans les manuscrits de sa Bibliothèque Municipale, qu’il a été possible de reconstituer l’histoire de la seigneurie de Caullery, de la famille de ses seigneurs, de leur descendance, et de faire connaître quelques détails instructifs sur les façons culturales et les coutumes agricoles à la fin du XVIIIè siècle de la Communauté de Caullery.

Pour l’historique de cette Communauté, de sa formation, de son peuplement, du terroir qu’elle exploitait, de ses coutumes, de son administration, en un mot de la vie familiale, sociale, religieuse des habitants qui ont vécu avant nous en ce village de Caullery qui nous est si cher, en faire l’exposé aussi complètement et objectivement que possible, on a utilisé les documents de l’ancien coffre ou ferme de la Loy de Caullery, les registres de catholicité d’avant la Révolution, de l’État Civil ensuite, des délibérations du Conseil Municipal et des archives paroissiales commencées par le Curé Plouvier, qui sont venus compléter les renseignements des Archives Départementales ou des Archives Communales de Cambrai et de sa Bibliothèque Municipale.

La petite Communauté de Caullery était faite de laboureurs, de mulquiniers ou tisseurs, d’artisans qui se croyaient bien à l’abri dans l’enclos de haies vives qui enfermait leurs demeures ; mais son isolement ne l’a pas empêché de subir ou de ressentir les heurs ou malheurs amenés par les faits de l’histoire générale, auxquels on a essayé de rattacher pour plus de lumière et de compréhension les menus faits de sa vie quotidienne.

Cet isolement, que nos ancêtres avaient recherché et auquel ils tenaient, est bien disparu depuis la Révolution, et surtout depuis la guerre 1914-1918, par les travaux de voirie, l’adduction de l’électricité, du téléphone, de l’eau potable, la construction de nouvelles bâtisses qui ont apporté aux habitants actuels le confort, les aises de la vie moderne et l’embellissement de leur village.

Pour arriver à mettre en œuvre, à rédiger les pages destinées à rappeler aux habitants de Caullery le passé de ceux qui les ont précédés, il a fallu bien du temps, bien des recherches. Commencées avant 1914, interrompues par la guerre, reprises puis contrariées par les destructions amenées par les événements de mai 1940, il a fallu toute la persuasion de certains de mes concitoyens désireux de connaître l’histoire de leur village pour que ces recherches soient recommencées et que la rédaction de cet historique soit poursuivie jusqu’à sa complète réalisation.

C’est pourquoi l’auteur ne pourra jamais assez exprimer sa reconnaissance à Noël Quennesson pour l’aide morale et matérielle qu’il lui a apportée par la frappe qu’il a faite des feuillets de son manuscrit, mais aussi par le soin méticuleux qu’il a pris de mettre en deux beaux volumes ronéotypés la rédaction des actes d’échevinage du ferme de Caullery, dont la transcription, faite avant 1914, détruite en 1940, avait dû être recommencée également.

A M. Trémon, Directeur de l’Ecole communale, qui s’est chargé de faire éditer cette histoire de ce Caullery auquel il s’est attaché ; à Jean Brillet, qui s’est dévoué avec lui pour recueillir les souscriptions nécessaires à cette publication, vont aussi mes remerciements. 

Puisse cette œuvre collective être appréciée par l’ensemble des habitants, leur apprendre l’amour de leur passé en leur donnant la satisfaction d’être des gens du XXe siècle ; ce sera ma plus belle récompense.

 C. THELLIEZ.

(1) En 1504, un Gilles de Caullery est marchand pelletier à Cambrai (A.D.N. 7 G. 207). (retour)

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